mardi 10 avril 2007

Alors, elle apparut

Alors, elle apparut au bout de la route.
Cela fit un grand silence à l'intérieur de moi. Je ne savais plus, je ne savais pas.
Le monde que je connaissais basculait sous mon regard en un autre aux formes insoupçonnées. J'étais interdite… et curieuse, terriblement curieuse de ce phénomène... fascinée. Mes yeux ne se détachaient d'elle qu'à regret, juste pour ne pas dévier mes roues de l'étroite bande de goudron.
J'entendais ma respiration, rapide du sprint que j'avais poussé la minute précédant cette vision. Les odeurs, les sons semblaient différents de ceux d'avant. J'ai fini par poser pied à terre et je l'ai regardée, comme si quelque chose allait se produire.
Énorme, presque obscène tant elle était énorme, elle semblait toucher la terre ; sa surface d'un rond parfait occupait tout le ciel et irradiait les prés d'une luminescence rousse. La route semblait n’avoir d'autre issue que de tomber dedans, je n’arrivais pas y croire.
Cela ne pouvait être que la lune, c'était la lune, mais comment faisait--elle ? Elle allait crever l'écran….

dInA

Je ne savais pas

Je ne sais pas si j’avais l’adresse exacte. Il faisait noir. Je me suis avancée dans la rue.

Mes cheveux étaient longs, pas coiffés. Mon pull immense, mon pantalon trop court. Mes lunettes mangeaient mon visage. Mes pieds étaient chaussés de baskets élimés. Pas de maquillage, rien pour la séduction.

Une idée, une sensation, un sentiment… seule m’envahissait : ma peur. Une angoisse si terrible que je trébuchais à chaque pas. La rue était déserte mais ce n’est pas ce qui m’effrayait. Je ne savais pas le pourquoi de la peur qui contractait tous mes muscles, arrêtait mes pensées, mon souffle. Je n’aimais pas, je ne haïssais pas. Je rien, je peur. J’avais toujours été comme ça.

J’ai aperçu une porte en bois sculpté et de la lumière derrière cette porte dans une cour. Et puis, j’ai vu la plaque noire avec des lettres dorées : « psychiatre ». Sur la gauche, dans la cour, je suivis une autre lumière vers un intérieur qui me paraissait alors si étranger ou étrange, je ne sais pas. J’y suis rentrée.

Je me disais, je vais pouvoir lui parler et mes pensées se bousculaient dans ma tête. Quoique… Ma terreur était viscérale. Je crois que je ne pensais pas.

Je me suis assise. J’ai attendu. Et puis, il est sorti. Il me serra la main.

Son bureau était sombre. Seule une lampe posée sur le sol éclairait la pièce. Je me suis assise sur le fauteuil où j’allais m’asseoir pendant des années afin de percevoir le mystère de ma terreur.

Ces murs blancs, ce tapis rouge, cet homme qui tenait un stylo, qui regardait son bureau sans parler… on m’avait prévenue… ce rituel grotesque…
dire qu’enfin je vais pouvoir parler…

Et pourtant l’espoir était là puisque j’étais venue et que je m’étais assise dans ce grand fauteuil noir.

Je ne savais pas ce que cet homme et ces murs allaient entendre de mon être.

Je ne savais pas qui j’étais et je ne savais pas que je deviendrai vivante.

Annie

La première fois

Proposition d’écriture :
Lire, ci-dessous, cet extrait du « Roman d’un enfant » de Pierre Loti.
Écrire une première fois — rencontre avec un élément, un événement — pour en faire jaillir de nouveau la sensation, l’émotion, dans toute la force de l’instant.


« Puis, tout à coup, je m'arrêtai glacé, frissonnant de peur. Devant moi, quelque chose apparaissait, quelque chose de sombre et de bruissant qui avait surgi de tous les côtés en même temps et qui semblait ne pas finir ; une étendue en mouvement qui me donnait le vertige morteL… Évidemment c'était ça ; pas une minute d'hésitation, ni même d'étonnement que ce fût ainsi, non, rien que de l'épouvante; je reconnaissais et je tremblais. C'était d'un vert obscur, presque noir ; ça semblait instable, perfide, engloutissant ; ça remuait et ça se démenait partout à la fois, avec un air de méchanceté sinistre. Au-dessus, s'étendait un ciel tout d'une pièce, d'un gris foncé, comme un manteau lourd.
Très loin, très loin seulement, à d’inappréciables profondeurs d'horizon, on apercevait une déchirure, un jour entre le ciel et les eaux, une longue fente vide, d'une claire pâleur jaune... Pour la reconnaître ainsi, la mer, l'avais-je déjà vue ? Peut-être ; inconsciemment, lorsque, vers l'âge de cinq ou six mois, on m'avait emmené dans l'île, chez une grand-tante, sœur de ma grand-mère. Ou bien avait-elle été si souvent regardée par mes ancêtres marins, que j'étais né ayant déjà dans la tête un reflet confus de son immensité.
Nous restâmes un moment l'un devant l'autre, moi fasciné par elle. Dès cette première entrevue sans doute, j'avais l'insaisissable pressentiment qu'elle finirait un jour par me prendre, malgré toutes mes hésitations, malgré toutes les volontés qui essaieraient de me retenir... Ce que j'éprouvais en sa présence était non seulement de la frayeur, mais surtout une tristesse sans nom, une impression de solitude désolée, d'abandon, d'exil... Et je repartis en courant, la figure très bouleversée, je pense, et les cheveux tourmentés par le vent, avec une hâte extrême d'arriver auprès de ma mère, de l'embrasser, de me serrer contre elle ; de me faire consoler de mille angoisses anticipées, inexpressibles, qui m'avaient étreint le cœur à la vue de ces grandes étendues vertes et profondes. »

Pierre Loti, « Le Roman d’un enfant »

samedi 31 mars 2007

Ma petite souris

Ma petite souris,
Ne mets pas ce mail à la poubelle. Ce n’est pas un spam !
Je me suis sauvée tôt du boulot pour pouvoir te pianoter un p’tit coucou sur le clavier avant de partir avec ma toile et mes cookies à mon atelier de broderie. C’est un moment historique puisque, comme tu le sais, l’informatique j’y comprends rien et Paulo a beau m’expliquer à chaque fois, j’ai pas de mémoire pour ce genre de truc. Dommage, sinon j’aurais pu consulter le blog de ton frère qui doit être en train de surfer, à l’heure où je t’écris, dans l’océan Indien. Non, vraiment, j’ai pas la clé pour tout ce qui est technique. Ca fait « clic-clac » dans ma tête, et ça ne s’imprime pas. Paulo parle de son disque dur, moi c’est la tête qui est dure…
Bon, ma puce, je vais devoir filer. Faut-il double-cliquer pour t’envoyer cet e-mail ? Je panique tout à coup. Et l’arrow base, quand est-ce que je m’en sers ? Paulo, Paulo, à l’aide !

Françoise

vendredi 16 mars 2007

Les aventures d'Arobas

Le quartier était sombre et quasi désert, seule une souris s'aventura dans la ruelle et fouilla dans la corbeille à la recherche des restes de cookies de la veille.
C'est alors qu'Arobas surgit, c'était son nom de code pour cette mission ultra confidentielle. De mémoire, il pianota les quelques chiffres et caractères du digicode de la porte d'entrée. Lors de son stage en tant que gardien de l'Informatic Museum, il avait étudié les mécanismes de sécurité, les mots de passe et était devenu expert dans le décodage des systèmes cryptés. Il s'infiltra donc dans le hall sécurisé sans la moindre difficulté et inséra sa clef USB dans la serrure de la seconde pièce au verrouillage hautement sophistiqué. Il cliqua, double-cliqua : le verrou céda. Alors tel un moteur de recherche minutieusement programmé, ses gestes aux gants blancs s'enchaînèrent avec une vélocité sans faille : avec une vitesse de résolution dernier cri, il s'empara de la toile historique de Van Blog.
À présent, il ne restait plus qu'à regagner la sortie en déjouant les nombreux systèmes de sécurité, lesquels étaient mémorisés dans son disque dur. Mais alors que le voyant EXIT s'affichait devant ses yeux, une alarme stridente "YAAAAAAAA HOU" perça la nuit, tel le miaulement d'un chat, un soir de pleine lune. Il commençait à sentir la sueur perler sur son unité centrale, tandis que son corps était pris de spams violents et incontrôlables. Comment avait-il pu se laisser piéger comme un débutant alors que chaque instruction de la procédure avait été validée?
Arobas avait échoué, il sentait le sol se dérober sous ses membres, il ne lui restait plus que quelques secondes avant d'être déconnecté de la réalité.

Sophie

lundi 12 mars 2007

Pour bien surfer

Pour bien surfer sur la toile

D’abord caresser la souris dans le sens du poil
Rafraîchir sa mémoire en mangeant deux ou trois cookies
Puis entrer la clef de contact dans le disque dur
Jeter à la corbeille spams, blogs et cookies rassis
Blanchir les dents du clavier
Tourner la manivelle des moteurs de recherche sept fois dans sa bouche
Lire l’historique de l’arobase navale
Pianoter la neuvième de Beethoven
Cliquer, double-cliquer, s’em-mailer
Et se sauver à toute vitesse
En hurlant aux étoiles : « Comprends rien ! ».

dInA

mercredi 7 mars 2007

Mots en vrac

Surfer
la toile
la souris
arobase
spam
comprends rien
cookies
blog
email
clavier
moteurs de recherche
historique
corbeille
sauver
imprimer
mémoire
disque dur
clef
cliquer
double-cliquer
pianoter

Inventer un texte émaillé de ces mots, dans l'ordre qu'il vous plaira.
Vous pouvez écrire sous forme de lettre, de poème, de mode d'emploi, de mini-polar... àvotre guise.
Bon voyage cybernétique !